1969
La Mustang Boss nous est arrivé en 1969, en même temps qu'un homme qui marqua l'esprit de l'automobile américaine de cette époque : Sermon Knudsen, surnommé par tous "Bunkie"
La tornade Bunkie
Repartons pour un petit tour d'horizon de l'année 1968. Après deux années de victoire en trans-am, Ford et sa Mustang se font sévèrement malmener en 1968 où la fameuse Camaro Z/28 rafle tout sur son passage ! Un homme était derrière cette voiture : Bunkie ! C'est à son initiative que la Chevrolet Camaro fut lancée en course. Mais la General Motors n'allait pas garder longtemps cet homme à l'ambition très forte. Se faisant refuser le poste de président de la Genaral Motors, il tourna aussitôt les talons pour se diriger vers Ford où le fauteuil de président l'attendait !
Dès lors, la Camaro n'avait qu'à bien se tenir car la Mustang made in Bunkie allait mettre le feu à la concurrence !
La "Boss" du génie
Bunkie se devait de faire mieux que.... Bunkie ! Le but était de lancer une bombe à retardement afin de renverser la vapeur et ainsi montrer que la nouvelle reine du bitume serait la Mustang Boss et plus la Camaro Z/28.
Plusieurs acteurs furent responsables du projet, il y a bien sûr Bunkie qui chapeautait l'ensemble, le responsable du design fut Larry Shinoda, un autre ex de Genaral Motors qui eu un coup de crayon magique afin de styliser cette version très spéciale de la Mustang. Les équipes chargées du développement même de la voiture furent celles de Kar Kraft pour la Boss 429 et Ford Engineering pour la Boss 302.
Les prétentions de Bunkie étaient simples : la voiture doit avoir la meilleure tenue de route de toute la production américaine !
Mais pourquoi Boss ?
Au début du projet, la voiture ne portait pas de nom. Les dirigeants de Ford voulurent l'appeller "SR-2", SR pour "Sports Racing", mais Shinoda trouvait ça stupide car se rapprochant trop de Z/28 de Camaro. Non, lui avait un autre nom en tête, un nom qui allait bientôt résonner dans toutes les têtes !
Puisque cette voiture se devait être ce qui se fait de mieux, alors pourquoi ne pas l'appeller Boss ! Boss en américain signifie patron, chef, un nom qui lui va à merveille, mais chez les jeunes de l'époque, le terme Boss était employé pour désigner quelque chose de magnifique, un must en quelque sorte.
Les patrons de Ford eurent un peu de mal au début à accepter ce nom de Boss, mais l'histoire suivi son cours et la Mustang Boss ne tarda pas à faire se tourner les têtes sur son passage !
Profonds remaniements
Que distinguait une mustang d'une mustang Boss au juste ?
Bunkie voulait la meilleure tenue de route possible, pour cela il fallut modifier la suspension en adoptant des amortisseurs plus durs et montés décalés à l'arrière. Une barre stabilisatrice fut montée sur le train avant tandis que la barre antiroulis prévue pour le train arrière ne fut finalement pas retenue.
Sur le plan des pneumatiques, 4 Goodyear polyglass F60, qui sont littéralement des pneus slicks avec des rainures juste pour dire qu'l y en a, prirent place sous les ailes avant et arrières. Les ailes avant durent d'ailleurs être élargies pour permettre le passage de ces pneus ! Du côté du freinage on trouvait des freins à disques de 11,3 pouces à l'avant, et les classiques tambours de 10 pouces à l'arrière. Une direction plus directe fut montée de série, mais sans aucune assistance, pas plus que pour les freins !
Le moteur, lui, fit l'objet de pas mal de recherches. Au début on voulut employer le 302 "Tunnel port", un bloc bien connu des trans-am car employé par les Ford de course en 1968, mais ce dernier ne fut jamais produit en nombre assez grand pour lui permettre d'être homologué par la SCCA. De plus il ne supportait pas trop les régimes élevés et le prix de ses pièces aurait été bien trop élevées pour une production de série.
Alors Hank Lenox eu l'idée de prendre de l'existant afin de construire un bloc qui allierait à la fois performance et prix raisonnable. Il prit pour cela un bloc de 302 "Tunnel Port", les culasses du tout nouveau 351 Cleveland à poussoirs mécaniques et larges soupapes inclinées, un vilebrequin renforcé en acier forgé, tout comme les bielles et les pistons. Le carter d'huile était compartimenté et la circulation de l'huile se faisait par le biais d'une pompe à huile à haut débit.
Du côté du carburateur, un impressionnant Holley 780 cfm coiffait un collecteur d'admission en aluminium. La horde de poneys était limitée à 6150 tours/minute, mais ce bloc était capable d'atteindre les 7000 tours !
Du côté de la boîte de vitesse, pas beaucoup de choix car une seule était disponible, mais quelle boîte aussi ! Il s'agissait de la fameuse boîte manuelle Top loader à 4 rapports au choix courts ou longs, et pour passer la puissance aux roues arrières, le pont choisi était un 9 pouces au rapport de 3,50:1. D'autres types de rapports de pont étaient disponibles en option, ainsi qu'un différentiel à glissement limité.
Comme à son habitude, Ford annonca une puissance nettement en deça de la réalité : 290 chevaux ! Mais ceci était dans le but de ne pas s'attirer des problèmes avec les compagnies d'assurance et de ne pas dissuader les quelques courageux qui se porteront acquéreurs de ce bolide !
Une ligne épurée
Sur le plan esthétique, Larry Shinoda partit d'un concept simple : moins il y en a, plus la ligne sera pure ! Exit les fausses prises d'air d'ailes arrières, les persiennes, becquet et logo de custode, la ligne de la Boss 302 sera épurée au maximum !
La voiture était disponible en 4 coloris, le capot recevait un noir mat du plus bel effet, tout comme les entourages de phare et le panneau arrière.
Des bandes de décoration en forme de "C" soulignées par un "Boss 302" venant interrompre la branche verticale du "C" étaient apposées sur les flancs de l'auto. Un spolier noir mat faisait également partie de l'équipement de série. Du côté des jantes, la Boss 302 disposait en série de jantes de style en tôle avec un cache écrou central plat, les jantes magnum 500 faisaient partie de la longue liste d'options ! En option également les persiennes de custode arrière et le becquet de coffre.
La Mustang Boss 302 était la plus civilisée des deux versions (302 et 429), elle convenait à une utilisation quotidienne, c'est pourquoi elle a été la plus soignée des deux versions. Il ne faut pas oublier que le but premier de Bunkie n'était pas d'en faire une voiture de grande série, mais juste de la produire en quantité suffisante afin d'assurer l'homologation de la Mustang trans-am qui allait courir sur les circuits en cette année 69 !
Parfaite pour les longues lignes droites
La Boss 429 quant à elle est brute ! Il faut dire que les ingénieurs de chez Ford devaient trouver une base sur laquelle greffer cet énorme bloc afin de l'homologuer et pouvoir l'introduire en course ! D'ailleurs, il ne sera jamais monté sur une Mustang de course, ce bloc fera carrière dans le compartiment moteur de l'imposante Tallageda où il eu ses heures de gloire au sein de l'équipe Ford.
Mais revenons à la Boss 429 de série ! Pour cette dernière aussi il a fallu procéder à de profonds remaniements, mais bien plus lourds que pour la Boss 302 ! Le Bloc 429, tellement énorme qu'il ne tenait pas dans le compartiment moteur de la Mustang ! Il a alors fallu y faire quelques modifications :
Il fallut déplacer la batterie pour la mettre dans le coffre, et adopter une assistance de freinage plus petite. Déplacement également des chandelles d'amortisseurs afin de gagner de l'espace en largeur pour pouvoir loger les imposantes culasses semi-hémisphériques, elles furent remplacées par des chandelles renforcées maintenues par une épaisse entretoise, les triangles de suspensions furent abaissés et les ailes élargies afin de pouvoir accueillir les fameux wide oval de chez Firestone, en F60. A cette occasion les axes de fusées furent renforcés eux aussi afin de résister aux ardeurs de la voiture, tout comme la suspension, reprenant le même schéma que la 302, avec des amortisseurs tarés très durs et décalés à l'arrière afin de mieux contrôler les mouvements de pont. Contairement à la Boss 302, les jantes magnum 500 faisaient partie ici de l'équipement de série.
e moteur de la démesure
Toutes ces modifications de structure n'étaient pas sans raisons, car ce big bloc tout droit sorti des ateliers de la Kar Kraft tenait des records toutes catégories ! La base fut un 385 Thin Vall, destiné aux hauts de gamme Ford dont on renforca les paliers avec des fixations à 4 boulons sur 4 des 5 paliers. Les énormes culasses furent réalisées en aluminium après que l'on ai abandonné l'idée d'utiliser la fonte. Les chambres de combustion avaient une forme bien spécifique, pas complètement sphériques, mais dotées de soupapes énormes (admission = 58 mm, échappement = 48 mm) et inclinées. Un radiateur d'huile additionnel était disposé devant le radiateur d'eau.
Il eu plusieurs versions de ce moteur en 1969, les 279 premières reçurent des bielles spécifiques rigidifiées. Les moteurs portaient le code S. Les autres Boss 429 de 1969 troquèrent ces lourdes bielles pour des plus légères (code T). D'autres modifications de mise au point profitèrent à cette nouvelle série, comme un arbre à cames plus pointu ou des pièces en aluminium pour remplacer celles qui étaient en magnésium.
Pour alimenter ce moteur, un seul carburateur quadruple corps Holley de 735 cfm coiffait l'imposant collecteur d'admission.
Un look différent
A la différence de la Boss 302 plus grand public, la Boss 429 n'eu pas le droit aux mêmes égards de cosmétique. Exit les bandes de décoration ou autres capot et panneau arrière noir, la Boss 429 ressemblait à s'y méprendre à une simple sportsroof standard, toutefois à quelques détails près !
Les fameuses jantes magnum 500 dont nous parlions plus haut étaient offertes de série, tout comme le spolier avant. Un discret monogramme Boss 429 ornait les ailes avant et le confort n'était pas laissé au rebut avec une assistance de direction, un intérieur luxury avec sièges bacquets à hauts dossiers, volant à 3 branches rim blow et console centrale. En fait elle bénéficiait du même équipement que la mach 1 puisque tous les exemplaires de Boss 429 furent préparés sur base de mach 1 de 1969 !
Non, le seul détail qui allait tout changer et faire la différence allait être la prise d'air de capot ! Jamais une prise d'air fonctionnelle n'allait être aussi énorme et béante, il fallait bien ça pour gaver ce 429 plein de bonnes volontés ! Cette prise d'air était peinte de la couleur de la carrosserie.
Plein de bonnes volontés, mais...
Vous l'aurez compris, autant la Boss 302 fut accueillie avec tout les honneurs, autant la Boss 429 a déçu par plusieurs aspects.
Tout d'abord le prix. Si la Boss 302 n'était déjà pas donnée, s'échangeant contre le supplément de 676 dollars en plus du prix de base d'un sportsroof, la Boss 429 elle, était carrément hors de prix : 1208 dollars de suplplément ! Si ce défaut avait été le seul, l'addition plutôt salée serait passée, mais là quelques soucis handicapaient la voiture : les soupapes, si grandes étaient-elles ne parvenaient pas à gaver correctement les cylindres à cause de l'arbre à came pas suffisamment pointu, de toute manière même avec un meilleur remplissage le gain n'aurait pas été flagrant à cause de l'unique carburateur qui faisait goulot d'étranglement faute de sa trop petite taille. Le limiteur de régime entrait en action bien trop rapidement, de toute manière il valait mieux car avec la faible capacité du carter d'huile, c'était la casse assurée.
Plus lourde, elle était bien plus difficile à maîtriser et méritait des talents de pilotes pour la dompter, en fait son terrain idéal était les longues lignes droites des courses d'accélérations. les fans de ce moteurs le comprirent d'ailleurs assez rapidement, car au prix de quelques changements, ce 429 se libérait complètement.
Comme à son habitude et afin de ne pas s'attirer le mécontentement des compagnies d'assurances, la puissance officielle de la Boss 429 fut annoncée pour 375 chevaux ! Encore une fois, ce chiffre en fit sourire plus d'un !
Du côté de la compétition, la venue de Bunkie au sein de l'équipe Ford ne réussi pas à renverser complètement la vapeur. En dépit d'une saison réussie, la Camaro remporta encore le championnat trans-am de cette année. La victoire allait venir en 1970.
1970
1970 : on prend les mêmes …
Peu de changements pour 1970, Ford se contente de poursuivre les deux modèles au sein de la gamme Mustang à nouveau restylée. Les seuls changements se constituent d'une prise d'air noir satiné au lieu d'être de la couleur de la carrosserie sur Boss 429, et un nouveau type de moteur 429, le code "A" identique au code T mais retravaillé afin de réduire les émissions polluantes ! Rien de nouveau pour ces deux Boss, qui seront produites à un nombre d'exemplaires suffisants afin d'homologuer pour la nouvelle saison les deux moteurs en trans-am.
Cette année marquera le retour du succès pour la Mustang qui s'octroira la première place du championnat, elle marquera aussi le licenciement de Bunkie qui aura fait une visite éclair chez Ford !